Le Conseil d’État enjoint le 31 décembre 2024 à l’Oniam de revoir les dispositions de son référentiel d’indemnisation des accidents médicaux relatives au remboursement des frais de conseil, aux frais d’obsèques, et à la prise en charge du forfait hospitalier, qui méconnaissent le principe de réparation intégrale du préjudice (CE - 5ème et 6ème chambres réunies, 31 décembre 2024).
Sous le visa des articles L.1142-1 alinéa 1er du code de la santé publique et 1353 du code civil, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation rappelle qu'il résulte de ces textes que les profesionnels de santé sont responsables des conséquences dommageables des actes de prévention, de diagnostic ou de soins en cas de faute, et que la preuve de cette faute incombe au demandeur.
Cependant en cas d'absence ou d'insuffisance d'informations sur la prises en charge du patient plaçant celui-ci ou ses ayants droit dans l'impossibilité de s'assurer que ces actes de prévention, de diagnostic ou de soins ont été appropriés, il incombre alors au professionnel de santé d'en rapporter la preuve ( Cass. Civ 1ère 16 octobre 2024 pourvoi n°22-23.433).
En effet, le poste de préjudice lié à l'assistance par tierce personne ne se limite pas aux besoins vitaux de la victime, mais indemnise sa perte d'autonomie la mettant dans l'obligation de recourir à un tiers pour l'assister dans l'ensemble des actes de la vie quotidienne.
La motivation de la Cour dans ces deux arrêts est la suivante :
Vu les articles L. 434-1, L. 434-2, L. 452-2 et L. 452-3 du code la sécurité sociale :
5. Selon les deux premiers de ces textes, la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle atteinte d'une incapacité permanente égale ou supérieure au taux de 10 % prévu par l'article R. 434-1 du même code est égale au salaire annuel multiplié par le taux d'incapacité qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de celle-ci.
6. Selon le dernier de ces textes, indépendamment de la majoration de la rente qu'elle reçoit en vertu du troisième, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.
7. La Cour de cassation juge depuis 2009 que la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent (Crim., 19 mai 2009, pourvois n° 08-86.050 et 08-86.485, Bull. crim. 2009, n° 97 ; 2e Civ., 11 juin 2009, pourvois n° 08-17.581, Bull. 2009, II, n° 155 ; pourvoi n° 07-21.768, Bull 2009, II, n° 153 ; pourvoi n° 08-16.089, Bull. 2009, II, n° 154).
8. Elle n'admet que la victime percevant une rente d'accident du travail puisse obtenir une réparation distincte des souffrances physiques et morales qu'à la condition qu'il soit démontré que celles-ci n'ont pas été indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent (2e Civ., 28 février 2013, pourvoi n° 11-21.015, Bull. 2013, II, n° 48).
9. Si cette jurisprudence est justifiée par le souhait d'éviter des situations de double indemnisation du préjudice, elle est de nature néanmoins, ainsi qu'une partie de la doctrine a pu le relever, à se concilier imparfaitement avec le caractère forfaitaire de la rente au regard du mode de calcul de celle-ci, tenant compte du salaire de référence et reposant sur le taux d'incapacité permanente défini à l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale.
10. Par ailleurs, il ressort des décisions des juges du fond que les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles éprouvent parfois des difficultés à administrer la preuve de ce que la rente n'indemnise pas le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent.
11. Enfin, le Conseil d'Etat juge de façon constante qu'eu égard à sa finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail, qui lui est assignée à l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, et à son mode de calcul, appliquant au salaire de référence de la victime le taux d'incapacité permanente défini à l'article L. 434-2 du même code, la rente d'accident du travail doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et que dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une telle rente ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice et non sur un poste de préjudice personnel (CE, section, avis, 8 mars 2013, n° 361273, publié au Recueil Lebon ; CE, 23 décembre 2015, n° 374628 ; CE, 18 oct. 2017, n° 404065).
12. L'ensemble de ces considérations conduit la Cour à juger désormais que la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.
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